Conservation du patrimoine bâti et accessibilité universelle : une combinaison possible?

Crédit photo : Rick Hansen

Le 18 avril dernier, c’était la Journée internationale des monuments et des sites, aussi connue comme la Journée du Patrimoine mondial.

Le patrimoine bâti est mieux connu comme l’ensemble des bâtiments qui sont protégés par un statut patrimonial. Il s’agit souvent de bâtiments dont la construction, qui date de centaines d’années, les rend très peu accessibles aux personnes à mobilité réduite.

Protégés par des normes de conservation pouvant être assez strictes et souvent difficiles et onéreux à rénover, ces bâtiments peuvent sembler incompatibles avec l’accessibilité universelle.

Sans toutefois entrer dans une analyse en profondeur des lois en vigueur et des spécificités de chaque situation, cet article met en lumière les principales caractéristiques qui définissent la relation entre la conservation du patrimoine bâti et l’accessibilité universelle.

Le patrimoine bâti


Le patrimoine bâti, aussi appelé patrimoine immobilier, correspond à tout type de bien immobilier dont la valeur archéologique, architecturale, artistique, emblématique, historique ou sociale lui vaut une attribution d’un statut légal qui contribue à sa protection.

Les bâtiments patrimoniaux sont généralement appréciés pour leur cachet et leur valeur historique et culturelle. On les associe souvent au développement touristique, parce que cette valeur peut facilement être traduite par la création de musées, sites historiques et autres sites intéressants à visiter.

Mais ils servent aussi à toutes sortes d’autres usages : salles de réception, bureaux, bibliothèques, salles de spectacles, habitations, etc.

Le patrimoine bâti est également apprécié pour son potentiel de développement durable. « Le bâtiment le plus vert est celui qui est déjà construit », disait l’architecte Carl Elefante au début des années 2000. Effectivement, bien qu’un bâtiment patrimonial soit généralement plus énergivore qu’une nouvelle construction, il s’agit d’une dépense en énergie encore plus importante de démolir un bâtiment et d’en construire un nouveau, aussi durable soit-il. « Des études indiquent que construire un nouvel édifice peut requérir, selon les circonstances, à peu près autant d’énergie que de le faire fonctionner pendant 40 à 80 ans. »1 Sans parler de tous les déchets de construction que cela produit.

L’accessibilité difficile à atteindre


Le bâtiment déjà construit est peut-être le plus vert, mais il est rarement, dans le cas des immeubles patrimoniaux, le plus accessible.

Et le rendre accessible peut sembler tout un défi. Les normes de conservation du patrimoine sont parfois si strictes qu’elles rendent très difficile de modifier la devanture d’un bâtiment protégé, même si c’est pour y ajouter une rampe d’accès permanente pour les personnes en fauteuil roulant ou d’enfoncer une maison patrimoniale dans le sol pour créer une entrée de plain-pied accessible.

Les démarches pour obtenir les permissions d’apporter des changements importants aux bâtiments classés sont encore plus complexifiées par « l’éparpillement de la législation relative à l’accessibilité universelle au Québec, qui relève de plusieurs ministères et organismes »1.

De plus, le niveau de difficulté est augmenté par une panoplie de critères particuliers concernant entre autres les matériaux à utiliser, les contraintes architecturales, qui multiplient le nombre d’intervenants, les délais et par conséquent, les coûts.

Combiner patrimoine et accessibilité?


Alors, combiner le patrimoine et l’accessibilité, c’est possible? Oui, mais il faut être créatif dans les moyens d’adapter les bâtiments patrimoniaux. Et ça prend une volonté politique afin d’amener et d’aider les propriétaires des lieux à faire les modifications nécessaires.

Aux États-Unis, par exemple, l’Americans with Disabilities Act (ADA) fait de l’accès aux lieux historiques un droit civil depuis 1990. Les propriétaires de bâtiments historiques doivent donc absolument s’y conformer. Des allègements sont toutefois possibles. Par exemple, dans les cas où l’impact d’adaptations serait trop grand et risquerait de détruire des éléments historiques significatifs dans un attrait touristique, une solution pourrait être de rendre accessible une visite virtuelle de l’endroit.

Un autre bon exemple est l’arrondissement de Lachine qui a écouté les demandes de ses citoyens et a effectué des travaux de plus de 200 000$ pour rendre accessible l’un de ses bâtiments patrimoniaux les plus achalandés : l’ancien entrepôt de la Brasserie Dawes, maintenant connu sous le nom de l’Entrepôt.

C’était un défi majeur de le faire en respectant le patrimoine et les normes d’accessibilité, mais avec la volonté de l’équipe d’élus en place, ce lieu de location événementielle très populaire est maintenant accessible, prouvant que c’est possible de le faire.

Des citoyens à part entière


Oui, il y a des défis importants à concilier la conservation du patrimoine et l’accessibilité universelle, mais des actions peuvent être posées pour faciliter et encourager les travaux permettant à tout le monde d’accéder aux bâtiments historiques. Et ce, toujours dans le but de reconnaître les personnes handicapées comme des citoyens à part entière, ayant les mêmes droits que tout le monde.

1 En bref, la protection du patrimoine immobilier au Québec